Avec J.M. Fitremann, Groddeck, Michel Odent et Max Ploquin, quelques extraits sur la douleur de l’accouchement, l’enfantement.
Ce dernier, rappelant l’historique de l’accouchement sans douleur, né à la clinique des « bluets » à Paris en 1952 « qui permit aux femmes de faire naître leur bébé par leur propre moyen, sans intervention médicamenteuse, sans anesthésie, explique le puissant conditionnement psycho-socioculturel établi sur une vaste et permanente tentative de culpabilisation et infantilisation provenant de lointaines étiologies historiques, voire préhistoriques (La horde primitive, le meurtre de Moïse et la prophétie au temps des pharaons : « Tu enfanteras -de fils- dans la douleur »), qui continuent encore d’accabler – culpabilité collective inconsciente – les femmes de notre société ».
« Un complot contre les femmes enceintes (contre les femmes tout court)… avec un système de pensée dans lequel la douleur est «obligatoire» et collée sur le travail de l’utérus et ses organes de voisinages rentrant en jeu lors de l’accouchement : celle-ci devient comme une malédiction contre les femmes, en punition de tout ce que vous pouvez imaginer dont sûrement le rapport sexuel à l’origine de la grossesse, au point qu’elles sont considérées comme impures à de nombreux moments de leur vie (dans plus d’une religion – interdites d’entrée – ou d’une société) et à plus d’un titre.
Cela devient quelque chose comme un sortilège, un mauvais sort, mais surtout comme un vrai complot socio-politique contre les femmes.
Poursuivons avec quelques autres extraits :
« Si l’accouchement est normal (physiologique ou eutocique), pourquoi faudrait-il souffrir ? La douleur ne devrait pas survenir quand tous les paramètres anatomiques, biologiques paraissent normaux (bassin normal dans tous ses diamètres, absence de maladie ou de problème psychologique direct, c’est à dire d’atteinte personnelle par suite d’ennuis touchant des êtres qui lui sont chers, par exemple, etc…). Si elle a lieu, c’est vraisemblablement à cause d’éléments qui participent à la vie de la société, à sa culture et dans lesquelles la femme a été «prise en otage» (l’origine socio-culturelle) »
« Un système féminin de reproduction bien fait pour faire naître bébé : … ses organes quand ils travaillent normalement, c’est à dire physiologiquement, ne devraient jamais être douloureux, quels qu’ils soient : l’appareil respiratoire, bien sûr, l’appareil nutritif, bien sûr, mais aussi celui qui intéresse les rapports sexuels et la naissance, c’est à dire l’appareil de vie, de jouissance et de reproduction… il n’y a aucune raison pour que l’utérus, après s’être fabuleusement élargie d’ailleurs, pour contenir bébé, ne puisse laisser s’ouvrir, tranquillement son col, porte naturelle de sortie, pour laisser naître bébé, doucement, sans qu’une quelconque douleur ne vienne frapper cet acte physiologique, fondamental pour la survie de l’homme. (…pas plus que pour les autres actes physiologiques chez la femme et l’homme comme respirer, boire, dormir, uriner…) »
… « L’accouchement est conçu comme un déblocage, un déverrouillage simple, tranquille qui, lorsqu’il reste physiologique, n’a pas besoin d’être assorti de douleurs. Il n’y a donc pas à avoir peur de ce déclenchement naturel… Le processus est lancé et la poursuite physiologique de l’accouchement se fait tranquillement : effacement du col, pression et ouverture du col par relâchement des fibres circulaires, d’où effacement et dilatation du col ».
… « On prouvait que l’inéluctabilité de la douleur de l’accouchement était objectivement vaincue : d’autres femmes ( dans le village où Max Ploquin exerça) en étaient témoins : elles avaient vu des accouchements réellement sans douleur, elles les avaient vécus, elles aidaient d’autres mères à vivre la même expérience… quand une naissance est vécue d’une manière à la fois indolore, émouvante, heureuse… »
Groddeck – « le livre du ÇA »- le décrit comme un moment de volupté : « On a enseigné, avec l’aide de la religion, que l’enfantement est terrible, dangereux, douloureux (de bonne presse pour médicaliser abusivement un acte de la Nature essentiellement régi par l’instinct) : est-ce pour écarter la jeune fille des liaisons adultères (toutes relations contre-nature ou réprimée par la morale) et enfant illégitime ou maladies vénériennes en identifiant le désir sexuel à l’horreur du péché, pour dissimuler ses sensations au « sommet de tous les plaisirs féminins… dans ce suprême acte sexuel ?
Est-ce pour intimider l’homme en partie responsable face à l’héroïsme sacrificiel de sa bien aimée » ?
En tout état de cause, celui-ci fait remarquer que toutes ces peurs et répressions ne sont pas assez fortes pour résister au désir et sentiment de volupté, qu’il ne cesse de naître de nouveaux enfants.
Pour J.M. Fitremann – ABC de la sexualité p. 28 – « l’accouchement est pour la mère et l’enfant un temps d’exaltation sexualisée signifié par le fait que la séparation, physique mais pas encore psychique, s’effectue par l’organe même de l’amour. » Confirmant les propos de Groddeck qui, de manière plus imagée, compare le passage du bébé – « douleur… suprême volupté » – dans le vagin aux sensations que peut procurer un pénis.
… « Cette synergie (mère et bébé) de sensations et d’efforts pour un dégagement mutuel se reproduit exactement pendant l’amour orgasmique ». La naissance comme l’orgasme sont des évènements réflexes paroxystiques psychocorporels forts.p.290 – voir tableau comparatif des réflexes de la naissance et de l’orgasme en Annexe 3 de son livre.
… La continuité grand-mère → mère → fille a une importance capitale dans l’avènement d’une femme qui n’a peur ni de sa fécondité ni de ses grossesses ni de ses accouchements… La peur de l’enfant qui vient peut détruire complètement la vie d’une femme si sa mère ou plutôt l’ensemble des mères n’attestent pas que pénétration, orgasme, grossesse et accouchement, et maternage sont bons et récompensants. » ibid p.354 / 355.
On peut comprendre que l’absence regrettable de cette continuité mère → fille génère de l’angoisse chez la jeune femme que le corps médical s’empresse d’exploiter pour généraliser la péridurale (« pouridurale » M.Ploquin), parfois sous la menace si la parturiente rechigne. « Il donna quelques bouffées d’éther et de chloroforme à soixante femelles qui étaient en train d’accoucher. Les mères ne manifestaient aucun intérêt pour les bébés… Eugène Marais crut pouvoir établir une règle très simple : « Dans les espèces où les bébés naissent immatures (dite « prématurité du second degré ») et donc dépendants d’une mère aimante et protectrice, il y a un certain degré de douleur pendant l’accouchement. » M.Odent – « l’amour scientifié » p.18
Que signifie cet « accueil » par une société des nouveaux-nés avec une dose d’anesthésique pendant la « courte période critique » propice à la création du lien ? Veut-on anesthésier l’individu dès sa naissance et attenter à sa vitalité ? La péridurale a des conséquences désastreuses à long terme, sur la capacité d’aimer par exemple, que tous les obstétriciens connaissent pour avoir eu l’information il y a quelques années dans leur revue professionnelle.
La péridurale inhibe en effet le réflexe d’expulsion et la synergie citée ci-avant entre la mère et le bébé et laissera à vie une trace d’impuissance générale et dans la sexualité (aptitude à l’orgasme…) du futur être.
Cette continuité prend certainement différents aspects ou rituels selon les cultures. Chez une africaine par exemple, il y a quelque chose d’initiatique : l’africaine qui n’a pas accouché garde aux yeux des autres un statut d’enfant, il y a beaucoup de refus de césarienne et il n’est pas question de péridurale. Souvent la présence d’une femme expérimentée auprès de la future mère suffit. Il n’y a rien à dire avant, à préparer. Il y a à vivre : « tu vas voir »- cf. Claudine Schalk.
Pour évaluer également la douleur de l’enfantement il faut tenir compte, comme l’explique M. Odent, que la physiologie de l’accouchement est liée à un équilibre hormonal précis dépendant de facteurs internes et externes, du libre fonctionnement du cerveau instinctif et de la réduction spontanée de l’activité néocorticale.
Le sentiment de sécurité intérieure est une clé pour qu’un accouchement se passe bien.
Dans le cadre d’une médicalisation progressive dès le début de la grossesse : après les examens sanguins, échographiques, bientôt psychologiques… suivent lors de la naissance des pratiques invasives, souvent routinières, dans des salles froides d’hôpitaux impersonnelles, robotisées et suréclairée (agresse le bébé non encore équipé des bâtonnets) : telles que mettre les vêtements de l’hôpital, position allongée sur le dos pour le confort du personnel, perfusion d’hormones de synthèse (syntocinon), travail accéléré ou ralenti chimiquement pour le confort et rentabilité (« optimisation » du service »!), impatience du personnel à un moment où la mère et le bébé ont besoin de temps et de confiance dans le programme instinctif (« Un accouchement trop rapide est plus dangereux qu’un accouchement trop long » Max Ploquin), touchers vaginaux et rectaux, épisiotomies excessives, lavement rectal, sonde urinaire, rasage, pose de sonde urinaire, rupture artificielle de la poche des eaux, interdiction de s’alimenter ou de boire, étirement manuel du vagin juste avant la sortie du bébé, délivrance dirigée, la parturiente se sent observée à un moment où elle a particulièrement besoin d’intimité et d’isolement aux stimuli externes, refus de la présence du conjoint et père en attente d’un « choc émotionnel » et d’un « croisement des regards » dès la sortie du bébé ou d’un tiers, monitoring continu, (motivé par la peur d’un recours judiciaire)…
L’accumulation de ces pratiques, certaines pouvant paraître anodines considérées une à une, provoque une dépersonnalisation et déresponsabilisation, une perte de confiance en ses propres capacités. Elles créent un stress anormal.
L’adrénaline qui s’ensuit diminue la sécrétion d’endomorphine prévue pour euphoriser et calmer la douleur ; elle est aussi antagoniste des ocytociques, en pic à ce moment précis, (l’ocytocine est le type même des hormones de l’amour, de l’attachement naturel et de la capacité à allaiter) indispensables pour un rythme efficace et soutenu des contractions.
Le corps médical répond à ce stress créé artificiellement par une surenchère de la médicalisation intrusive et autoritaire.
Et la boucle de l’accouchement assisté médicalement est bouclée avec ses artifices chimiques, (péridurale anesthésiante, déclenchement programmé…), mécanique (forceps,) ou chirurgicaux (épisiotomie, césarienne : en forte augmentation, 35 % actuellement en France, 80% au Brésil !), le tout banalisé, auto-justifié et lucratif (en terme de création d’emploi et d’argent), au détriment d’un accouchement naturel dit « physiologique », voire d’un accouchement dans le plaisir et la joie et comme si la femme n’était plus capable d’accoucher par ses propres moyens et le bébé avait oublié sa connaissance instinctive de son trajet de passage.
Le bébé particulièrement sensible et réceptif à ce moment clé de son existence subit également des pratiques agressives : inhibition de ses réflexes d’accouchement et de ses interactions physiologiques et émotionnelles avec sa mère à cause des perturbateurs chimiques et hormonaux, séparation d’avec sa mère quelques minutes après l’accouchement à un moment crucial pour le lien (bonding), clampage du cordon ombilical avant qu’il n’ait cessé de battre, aspiration orale et nasale, pesée et mesure, couveuse imposée dans les premières heures de vie, pas de contact peau à peau, biberon d’eau glucosée ou de lait artificiel, séjour en nurserie (si la mère veut le garder la nuit)…
« Le cordon ombilical coupé avant l’établissement de la respiration naturelle handicape la vie émotionnelle et génère souvent asthme et anorgasmie ».
« …L’abandon et laisser-faire ; la traversée par les forces de vie chez le bébé prédispose à la confiance face aux envahissements et forts dégagements orgasmiques futurs. La naissance médicalement assistée : programmée (ocytocine, psychotropes, péridurale…), forceps, césarienne font perdre la confiance dans les réflexes instinctifs, la faculté d’abandon.
La réciprocité et synergie (mère et bébé) de sensations et d’efforts pour une éduction (expulsion) / dégagement mutuel… Sauf accouchement sous anesthésie (péridurale…) où le bébé est impuissant à s’expulser ; source d’impuissance générale, la mère étant désolidarisée de son bébé par perte des sensations et réflexes associés. Dans le rapprochement amoureux, il pourra retrouver la solitude et l’impuissance… » ABC de la sexualité » p.289
Outre la nécessité de préparation à la naissance par l’haptonomie, l’A.S.Douleur ou autres méthodes (H.Reynes…), y compris ou peut-être surtout pour dépasser les conditionnements socio-familiaux (« tu vas en baver comme moi et ta grand-mère… »), l’accouchement en lui-même requiert des conditions propices à la confiance, à la détente, à la vie affective et émotionnelle, qui n’excluent pas une surveillance médicale discrète et compétente. Citons Max Ploquin :
… « Nous conseillons un très faible éclairage, une salle bien chauffée, une ambiance très silencieuse dès la naissance de bébé. Et si possible, le langage des seuls parents, réconfortant, auquel va s’ajouter le toucher, l’expression tactile des parents, qui vont ainsi par ce langage et toucher affectif, provoquer une confirmation affective de cet enfant dans sa présence, dans son existence, le reconnaître ainsi et lui donner réellement l’assurance qu’il est bien là où il est avec ceux qui l’entourent, ses parents qui l’aiment. De même, après avoir fait rapidement les premières investigations, pour vérifier l’état de santé du bébé, nous préférons attendre une bonne demi-heure, avec le bébé dans un « bain affectif » au milieu de sa mère et de son père (et d’autres proches éventuels : frères et sœurs…), avant de compléter les investigations habituelles que l’on pratique à la naissance de l’enfant (bien sûr, auparavant, très rapidement, on aura, sur le ventre de la maman, évalué l’APGAR de l’enfant : réflexes, vitalité, respiration, coloration des tissus, tonus… »
Il n’est pas dans notre intention de décrire toutes les étapes et conditions d’un accouchement et d’une naissance naturelle : nous souhaitions extraire suffisamment d’éléments pour tenter de montrer combien un acte naturel, d’amour, peut devenir violent et source de violence, de souffrance et de culpabilité pour la mère comme pour l’enfant coupable « d’avoir fait souffrir » sa mère.
Max Ploquin interrogé par un journaliste à propos de l’évolution actuelle de l’obstétrique sur biocontact
Nous pouvons nous réjouir que l’acte conceptif ne soit pas sous contrôle médical et d’experts quoique…
En conclusion, sous prétexte de diminuer la douleur de l’accouchement ou de le sécuriser, notre société médicalise et fait subir à la femme comme à l’enfant des maltraitances qui compromettent leur vitalité et réalisation pour la vie entière.
Et ce, avec la complicité aveugle d’une population maintenue dans la peur et la dépendance : citons le philosophe O.Clerc qui décrit la collusion Etat-médecine se substituant subrepticement à la collusion Etat- religion :
« Le crédit étonnant dont jouit la médecine, malgré la progression constante des maladies et la perte d’efficacité (et nocivité : maladies iatrogènes) de divers traitements (vaccins, antibiotiques), tient au fait que le symbolisme chrétien a trouvé en elle des supports de rechange idéaux. Depuis Pasteur, la médecine a pris la place du prêtre dans l’inconscient collectif : la quête du salut est remplacée par la recherche de la santé ; l’attente de la vie éternelle par l’espoir de l’immortalité physique (cryogénisation, clonage), le baptême par la vaccination, l’ostie par les pilules, et un vaccin universel nous sauvera demain de toutes les maladies comme le Sauveur a racheté tous les péchés du monde.
Le pouvoir médical fait alliance avec le gouvernement comme hier l’église. Les « charlatans » (médecines naturelles, thérapeutes et médicamentations efficaces et accessibles à tous) sont poursuivis comme les « hérétiques » d’autrefois (la « chasse aux sorcières »), et le dogmatisme prévaut sur l’ouverture aux idées nouvelles. Un même esprit de déresponsabilisation caractérise le discours médical actuel et les sermons du passé. (« Soyez malade en toute quiétude, tous les frais sont pris en charge », autoritarisme des praticiens qui prescrivent, ordonnent, décident à la place du patient).
L’homme est aujourd’hui aliéné de son corps comme hier de son âme, toujours manipulé par la peur et des espoirs infantiles. Une prise de conscience de la façon dont le religieux parasite à notre insu nos relations avec la médecine est donc indispensable pour s’acheminer vers la responsabilisation. »